S.C.H.E.C.. Sessions d’étude, 50 (1983), 201-230
Évolution et rôle des congrégations religieuses
enseignantes féminines au Québec, 1840-1960
Depuis 1981,
un collectif de recherches s’est constitué à Montréal. Il comprend une équipe
de douze personnes sous la direction de Nadia Eid (UQAM) et Micheline Dumont
(Sherbrooke) avec le concours d’une assistante senior, Marie-Paule Malouin
(Montréal) et d’une dizaine d’étudiantes-assistantes. Son objectif: explorer la
question de l’histoire de l’éducation des filles au Québec. Ce champ de
recherches était, il y a cinq ans, à peine exploré: en fait, les quelques
monographies pertinentes sur la question datent de 1980, si on excepte les
thèses inédites 1.
Avec
l’enthousiasme et la détermination des pionnières, nous avons donc décidé de
défricher les archives. Nous avons vite été confrontées à de redoutables problèmes.
Les chiffres officiels nous apprenaient que c’est au niveau primaire que l’on
retrouve la très grande majorité des filles. Mais les documents publics sont
avares de renseignements sur l’instruction des filles à ce niveau 2.
Toutefois, l’examen, même superficiel des structures éducatives (personnel
enseignant, types d’écoles, autorités scolaires) nous apprenait ce qu’au fond
nous savions déjà par expérience: le rôle central des congrégations religieuses
dans l’éducation des filles. Il était donc logique d’explorer leurs archives.
Mais vous devinez notre désarroi: tant de congrégations! des archives couvrant
de si longues périodes! des archives parfois difficile à consulter! tant de
recoupements à établir entre les diverses congrégations!
À date,
treize monographies ont été préparées sur autant de congrégations distinctes 3.
Cinq autres sont en cours de rédaction sur des questions globales se retrouvant
dans plusieurs congrégations. De sorte que d’ores et déjà nous pouvons
identifier plusieurs séries de questions qui permettent d’appréhender
globalement l’évolution des congrégations enseignantes de femmes. Et rassurons
les adversaires de l’histoire des élites: nous avons trouvé autant de
documentation sur le niveau primaire que sur les autres niveaux
d’enseignement. Marie-Paule Malouin a consacré une thèse de maîtrise à
l’Académie Marie-Rose, pensionnat «respecté» des Soeurs de Jésus-Marie (mais
pas le plus huppé). Sa thèse est, à ce jour, l’étude la plus éclairante sur
l’enseignement public à Montréal au XIXe siècle 4.
Parmi toutes
les questions que nous aurions pu aborder, nous avons choisi de vous en
présenter deux: une brève description de l’évolution des effectifs des
congrégations entre 1840 et 1960, en tentant d’illustrer les traits les plus
significatifs de cette évolution; une analyse du rôle des congrégations face à
l’établissement des programmes d’études destinés aux filles et du développement
de l’enseignement «secondaire» plus généralisé. En conclusion, nous voulons
mettre en relief quelques ambiguïtés qui semblent caractériser les entreprises
des congrégations religieuses.
1. DESCRIPTION QUANTITATIVE DE L’ÉVOLUTION
Lorsque
s’instaure le premier véritable réseau d’enseignement public au Bas-Canada en 1840,
il y a peu de congrégations enseignantes seules les Ursulines et les Dames de
la Congrégation sont à l’oeuvre, reproduisant ici les deux modèles français:
l’enseignement réservé à une élite (avec classes pour les pauvres): c’est le
modèle des Ursulines; l’enseignement destiné à une clientèle plus modeste et
plus nombreuse, enseignement rendu accessible par un petit réseau de
pensionnats 5: c’est le modèle de la Congrégation Notre-Dame
(C.N.D.). En 1800, les Ursulines possèdent deux pensionnats et la Congrégation
en a douze, la plupart créés sous le régime français: elle en ouvre huit de
1800 à 1841 6. Il y a donc 22 pensionnats dans le Bas-Canada vers
1840. En 1960, 67 congrégations dirigent 1799 maisons diverses reliées à
l’éducation 7. Cet essor mérite qu’on s’y arrête.
Le premier
phénomène est certainement le foisonnement des congrégations. Dix
congrégations enseignantes sont fondées au Québec entre 1843 et 1894 et deux
autres au XX` siècle (Tableau 1) 8.
TABLEAU 1. Congrégations
religieuses enseignantes
fondées au Québec
|
1653 |
Congrégation de Notre-Dame |
2. |
1843 |
Soeurs des Saints Noms de Jésus
et de Marie |
3. |
1849 |
Soeurs de la Charité de Québec |
4. |
1850 |
Soeurs de Sainte-Anne |
5. |
1850 |
Servantes du
Coeur-Immaculée-de-Marie |
6. |
1853 |
Soeurs de l'Assomption de la
Sainte-Vierge |
7. |
1874 |
Soeurs de Notre-Dame du
Saint-Rosaire |
8. |
1877 |
Soeurs de Saint-Joseph de
Saint-Hyacinthe |
9. |
1891 |
Petites Franciscaines de Marie |
10. |
1892 |
Soeurs de Notre-Dame du
Perpétuel-Secours |
11. |
1894 |
Soeurs de Notre-Dame du Bon
Conseil de Chicoutimi |
12. |
1921 |
Soeurs de Notre-Dame
auxiliatrice |
13. |
1950 |
Société des Soeurs des
Saints-Apôtres |
1. |
1653 |
Congrégation de Notre-Dame |
2. |
1843 |
Soeurs des Saints Noms de Jésus
et de Marie |
3. |
1849 |
Soeurs de la Charité de Québec |
4. |
1850 |
Soeurs de Sainte-Anne |
5. |
1850 |
Servantes du
Coeur-Immaculée-de-Marie |
6. |
1853 |
Soeurs de l'Assomption de la Sainte-Vierge |
7. |
1874 |
Soeurs de Notre-Dame du
Saint-Rosaire |
8. |
1877 |
Soeurs de Saint-Joseph de
Saint-Hyacinthe |
9. |
1891 |
Petites Franciscaines de Marie |
10. |
1892 |
Soeurs de Notre-Dame du
Perpétuel-Secours |
11. |
1894 |
Soeurs de Notre-Dame du Bon
Conseil de Chicoutimi |
12. |
1921 |
Soeurs de Notre-Dame
auxiliatrice |
13. |
1950 |
Société des Soeurs des
Saints-Apôtres |
SOURCE: Bernard Denault, «Sociographie générale des
communautés religieuses au Québec (1837-1970)» dans Éléments pour une
sociologie des communautés religieuses au Québec, Montréal, PUM, 1975,
Annexe II « Liste alphabétique des communautés religieuses du Québec», p.
197-201.
De plus, plusieurs autres congrégations
québécoises à vocation charitable, hospitalière ou missionnaire développent
parallèlement à leur oeuvre un réseau de maisons d’éducation et l’on peut
penser que cette initiative, accessoire à l’oeuvre principale, a pour objectif
le recrutement des vocations religieuses. Les Soeurs de la Providence, les
Soeurs Grises de Montréal et les Soeurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception
sont de bons exemples de ce phénomène. Seuls les ordres contemplatifs et les
congrégations vouées au service domestique du clergé n'ont pas recours à cette
stratégie.
Par ailleurs, le Québec, on le sait, est le
lieu d’implantation d’un plus grand nombre encore de congrégations religieuses
venues d’Europe, de France principalement (Tableau 2). Or, les religieuses
enseignantes constituent la majorité de cette immigration.
TABLEAU 2. Nombre
de congrégations enseignantes féminines
francophones implantées au Québec de 1840 à 1960
SOURCE: Bernard
Denault, ibid.
Ces chiffres impressionnants
doivent être éclairés. Les dernières venues de ces congrégations ne comptent
certes pas de nombreuses maisons; de plus leur personnel est très réduit. Mais
il n’en est pas de même pour la majorité des congrégations implantées au Québec
avant 1920: la plupart ont connu un développement similaire à celui des
fondations québécoises. En fait, on peut distinguer deux modèles dans cet
ensemble; les grandes congrégations qui sont surtout les fondations
québécoises; les petites congrégations, qui sont surtout des
implantations françaises. En 1969, avec moins du quart des congrégations
enseignantes, les congrégations fondées au Québec comptaient 60% de toutes les
religieuses enseignantes (Tableau 3).
TABLEAU 3. Nombre de
sujets des congrégations enseignantes
féminine au Québec en 1969
(francophones seulement)
Congrégations |
Fondées au Québec |
Implantées au Québec |
de 2,000 sujets et plus |
3 |
1 |
de 800 à 2,000 sujets |
5 |
3 |
100 à 799 sujets |
4 |
16 |
40 à 99 sujets |
- |
6 |
39 sujets et moins |
1 |
19 |
TOTAL |
13 (22,5%) |
45 (77,5%) |
SOURCE : Bernard Denault, ibid.
Le second phénomène
à souligner est l’importance et la dispersion du réseau d’écoles/pensionnats
qui a résulté de cet ensemble de fondations. Il sera également intéressant
d’évaluer cette importance et cette dispersion en examinant le rythme de sa
progression et la place des principales congrégations dans le tableau
d’ensemble. Cela sera possible grâce à une recherche systématique dans sept
annuaires du Canada ecclésiastique, allant de 1887 à 1917.
Nous présentons ici quelques résultats de
cette recherche avec prudence. Le Canada ecclésiastique, on le sait, ne
fournit pas toujours des données sûres. Toutefois la période de trente ans que
nous avons choisie offre une grande homogénéité dans ses statistiques et
fournit, sinon des chiffres exacts, au moins un ordre de grandeur ou des proportions
qui permettent d’atteindre notre but d’examiner la progression des
congrégations religieuses dans les réseaux public et privé d’enseignement. Une
recherche spécialisée 9 sur les congrégations religieuses enseignantes
du diocèse de Sherbrooke au XIXe siècle permet de penser que les
chiffres du Canada ecclésiastique sont inférieurs à ceux de la clientèle
totale qui fréquente les écoles/pensionnats.
Les 22 couvents de 1841 ont servi de
modèles à des dizaines d’autres pendant qu'un grand nombre d’écoles publiques
sont confiées aux religieuses. Le tableau 4 nous en donne une idée.
TABLEAU 4.
Progression des congrégations enseignantes féminines
au Québec de 1887 à 1917
Année |
Nombre d'institutions |
Nombre |
d'élèves |
|
|
Nombre |
% d'augmentation |
Nombre |
% d'augmentation |
1887 |
194 |
-- |
37 157 |
- |
1892 |
233 |
20 % |
47 281 |
27 |
1897 |
265 |
13,5% |
55 571 |
17,5% |
1902 |
301 |
13,5% |
65 018 |
17 |
1907 |
368 |
22 % |
75 294 |
16 |
1912 |
431 |
17 % |
95 684 |
27 |
1917 |
492 |
14 % |
127 801 |
33,5 |
Augmen tation totale |
|
153 % |
|
243 |
SOURCE: Le Canada ecclésiastique, 1887, 1892,
1897, 1902, 1907, 1912, 1917.
Le nombre d’institutions dirigées par les
religieuses fait plus que doubler en une seule génération. Le nombre d’élèves lui
augmente de 243% et son rythme d’accroissement est beaucoup plus rapide que
celui des institutions. Nous sommes manifestement en face d’un mouvement
d’expansion irrésistible. Ce mouvement, on le verra, s’est maintenu jusqu’à la
révolution tranquille.
Il est intéressant de noter également la
performance des principales congrégations enseignantes (Tableau 5) 10. La Congrégation
Notre-Dame,forte de sa longue tradition et de sa présence dans tous les
diocèses (sa fondation est antérieure à la création de nouveaux diocèses), est
de loin la congrégation la plus active. Toutefois, son rythme de croissance est
beaucoup plus lent. Par comparaison, l’essor des Soeurs des SaintsNoms-de-Jésus-et-Marie
est spectaculaire de même que celui des petites Soeurs du Saint-Rosaire, vouées
à l’enseignement dans les milieux ruraux.
TABLEAU 5.
Progression des principales congrégations
enseignantes féminines au Québec
Congrégations |
Nombre d’institutions |
||
|
1887 |
1917 % d'augmentation |
|
Congrégation de Notre-Dame (1653) |
58 |
88 |
52 |
Soeurs des Saints Noms de J. M. (1843) |
16 |
56 |
250% |
Soeurs de Ste-Croix (1847) |
11 |
26 |
136% |
Soeurs de la Charité de Québec (1849) |
16 |
30 |
88% |
Soeurs de Ste-Anne (1850) |
19 |
35 |
84% |
Soeurs de l'Assomption (1853) |
15 |
35 |
133% |
Soeurs de la Présentation (1853) |
19(1892)1 |
29 |
52% |
Soeurs du St-Rosaire (1874) |
6 |
27 |
350% |
Autres congrégations |
53 |
166 |
213% |
TOTAL |
194 |
492 |
153 |
(1) Le chiffre de 1887
n’est pas disponible.
SOURCE: Le
Canada ecclésiastique, 1887, 1917.
La répartition par diocèses est également
intéressante à observer. Elle s’explique bien sûr par le lieu de la fondation ou
de l’implantation mais également par la date de fondation. Les subdivisions de
diocèses, en effet, augmentent les occasions d’expansion: dans cette recherche
de «marchés», les plus anciennes congrégations se trouvent toujours favorisées.
Il semble par ailleurs qu’évêques et supérieures aient tenu à éviter les
concurrences trop vives en tentant de se répartir équitablement les clientèles 11. Le tableau 6,
toutefois, laisse croire qu’on pouvait se bousculer dans certains diocèses.
TABLEAU 6.
Répartition des principales congrégations enseignantes
féminines dans les diocèses du Québec en 1917
SOURCE: Le
Canada ecclésiastique, 1917.
Ce partage des diocèses laisse prévoir une
importante constatation: que les religieuses sont également répandues dans tous
les milieux de vie. Nous avons divisé le territoire québécois, en quatre zones:
Montréal et Québec, qui représentent le milieu urbain; les petites villes de 3
000 habitants et plus; les villages situés dans un rayon périphérique des
agglomérations urbaines; les villages éloignés. Cette répartition s’est faite
avec les chiffres de population de la fin du XIXe siècle. Le tableau
7 illustre cette répartition pour les deux extrémités de la période analysée.
TABLEAU 7.
Répartition des congrégations religieuses
selon le milieu de vie de leurs élèves
en 1887 et 1917: % des élèves
|
1887 |
1917 |
Montréal et Québec |
28% |
34% |
Petites villes |
20% |
13% |
Villages périphériques |
27% |
19% |
Villages éloignés |
25% |
34% |
|
100% |
100% |
SOURCE: Le Canada
ecclésiastique, 1887, 1917.
En fait, en 1887, les quatre milieux sont
presqu’également touchés par le travail des religieuses enseignantes tandis
qu’en 1917, on note une augmentation des élèves des soeurs dans les grandes
villes et les villages éloignés.
Mais ce tableau dissimule le visage de
chaque congrégation. Le tableau 8 permet de distinguer quelques modèles. Deux
congrégations sont plus concentrées dans les grandes villes, spécialement en
1917: les Soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-Marie et les Soeurs de Ste-Croix.
Trois autres congrégations sont plus également réparties entre les milieux : la
congrégation Notre-Dame, les Soeurs de Ste-Anne et les Soeurs de la Charité de
Québec. Les Soeurs de l’Assomption se retrouvent toutes dans des villages et
les Soeurs de la Présentation, présentes dans plusieurs villes, sont absentes
des grandes villes. Quant aux Soeurs du St-Rosaire, on ne les trouve que dans
les villages éloignés. Ces chiffres infirment quelque peu une croyance impressionniste
qui prétend que les religieuses n’ont enseigné que dans les milieux urbains.
TABLEAU 8.
Répartition géographique de quelques congrégations
religieuses enseignantes en 1887 et 1917 (% des élèves)
|
Montréal et Québec |
Petites villes |
Villages périphé- riques |
Villages éloignés |
||||
|
1887 |
1917 |
1887 |
1917 |
1887 |
1917 |
1887 |
1917 |
Congrégation Notre-Dame |
49% |
51% |
12% |
15% |
18% |
15% |
21% |
18 |
Saints-Noms-de Jésus-Marie |
28% |
65% |
23% |
9% |
36% |
20% |
13% |
6% |
Sainte-Croix |
47% |
80% |
21% |
6% |
32% |
11% |
0% |
3% |
Sainte-Anne |
34% |
55% |
9 % |
5 % |
43% |
30% |
14% |
10 |
Charité de Québec |
18% |
28% |
20% |
12% |
22% |
14% |
40% |
46% |
Assomption |
- |
- |
- |
- |
72% |
35% |
28% |
65 |
Présentation de Marie (1892) |
- |
- |
30% |
26% |
6% |
13% |
64% |
61% |
Saint-Rosaire |
|
- |
- |
- |
- |
- |
|
100%100% |
SOURCE: Le
Canada ecclésiastique, 1887, 1917.
Cet essor
remarquable doit cependant être pondéré en situant le groupe des religieuses
enseignantes dans l’ensemble du personnel enseignant. Cette entreprise pose des
problèmes méthodologiques considérables qu’il serait trop long d’exposer ici 12. Le tableau 9
éclaire quelque peu ce truisme de l’histoire de l’éducation au Québec, à savoir
que religieux et religieuses ont pénétré l’enseignement dès le milieu du 19e
siècle et l’on dominé durant la première moitié du XXe siècle.
TABLEAU 9.
Proportion des religieuses enseignantes dans
l’ensemble du personnel enseignant de la province de Québec,
en 1874, 1888, 1900, 1940, 1960
(Écoles sous contrôle et indépendantes)
Date |
Instituteurs |
Religieux |
Institutrices |
Religieuses |
Total |
1874 |
646* |
435 |
3866* |
840 |
5787 |
|
(11%) |
(7.5%) |
(67%) |
(14.5%) |
(100%) |
1888 |
287 |
912 |
3875 |
1804 |
6878 |
|
(4%) |
(13%) |
56.5%) |
(26.5%) |
(100%) |
1900 |
2.3% |
10.2%** |
55% |
32.5%** |
100% |
1940 |
6.6% |
13.5% |
44.2% |
35.7% |
100% |
1960 |
13.2% |
7%** |
55.9% |
23.9%** |
100% |
SOURCES: 1874 et 1888: André Labarrère-Paulé, Les
instituteurs laïques au Canada-français 1836-1900, Québec, PUL, 1965, pp.
299 et 357.
1900, 1940, 1960:
Maryse Thivierge, Les institutrices laïques à l’école primaire catholique au
Québec, de 1900 à 1904, Thèse de Ph. D., Université Laval, 1981, p. 39.
* Ce chiffre comprend les
protestants.
** Ce chiffre ne comprend pas les professeurs du niveau post-primaire
(écoles normales, écoles spéciales, collèges classiques, etc. ), religieux à
100% sauf en 1960, alors que les laïcs commencent à envahir ces secteurs.
Statistiquement, les religieuses n’ont jamais été
majoritaires face aux institutrices. L.P. Audet avance qu’au début des années
1940, laïcs et religieux étaient également répartis en termes d’effectifs 13. Cela est
vraisemblable. À partir de cette époque toutefois, la proportion des religieux
est allée en diminuant jusqu’à la réforme Parent.
Par ailleurs, on ne doit pas perdre de vue
que le réseau des écoles primaires comprend longtemps un nombre considérable
d’écoles de rang où on ne retrouve aucune religieuse, ce qui relativise quelque
peu la prépondérance numérique des institutrices. En effet, simultanément, les
religieuses dominent largement le personnel du primaire-complémentaire et du
primaire-supérieur, l’enseignement post-primaire et l’enseignement spécialisé.
En 1960, elles détiennent encore 47% de tous les postes de direction de tout
le secteur public (primaire et secondaire, catholique et
protestant, masculin et féminin) soit 1154 posts sur 2450 14.
Tentant d’évaluer quantitativement le
présence des congrégations enseignants fémines en 1960, nous avons exploré de
nouveau le Canada ecclésiastique. Nous avons obtenu le panorama suivant,
tel qu’illustré par le tableau 10. La diversité est spectulaire.
TABLEAU 10: Panorma
des activités éducative des congrégations
religieuses
enseignantes féminins au Québec en 1960
SOURCE: Le Canada ecclésiastique, 1960.
Comme on le verra,
les responsables du D.I.P. ont investi peu d’efforts dans le développement de
l’éducation des filles. Mais les congrégations religieuses y ont mis beaucoup
de dynamisme et de réalisme. Dès la fin du XIXe siècle, elles
cherchent à allonger la scolarité offerte aux filles. De plus, leur rôle dans
la formation professionnelle des filles est évident: elles forment 100% des
institutrices francophones, 90% des infirmières et un nombre impossible à
évaluer de secrétaires. Le secteur de l’enseignement technique et professionnel
féminin est malheureusement encore largement inexploré 15. C’est pourquoi
nous nous limiterons dans la section suivante à examiner l’action des congrégations
enseignantes dans le développement de l’enseignement secondaire et supérieur.
2. DIVERSIFICATION
DES RÔLES DES RELIGIEUSES
ENSEIGNANTES
(1850-1960)
Cette entreprise est malaisée car plusieurs
phénomènes se développent simultanément, parfois convergents, parfois
divergents, et réagissent l’un sur l’autre. Nous allons, dans cette brève
synthèse en examiner trois: l’initiative des autorités éducatives, celles des
congrégations enseignantes féminines et la formation des religieuses
enseignantes. Trois périodes se dégagent: la première caractérisée par
l’inertie des autorités face à l’éducation des filles; la seconde où se
modifient les règles du jeu établies au XIXe siècle; la troisième
créée par la conjoncture reliée à la loi de l’obligation scolaire.
Période 1850-1899
Au XIXe siècle, on constate sans
difficulté un certain désengagement des principales instances administratives
publiques face à l’éducation, et surtout face à l’instruction des filles. Par
exemple, l’abolition du Ministère de l’instruction publique, en 1875, peut être
présentée comme «une démission volontaire de l’État» 16. Préoccupé par
l’émigration des Québécois, par l’ouverture de nouveaux territoires de
colonisation et la construction de chemins de fer, le gouvernement du Québec
avait des priorités autres que l’instruction des jeunes. Cela transparaît d’ailleurs
dans les slogans électoraux de l’époque où l’enseignement «à rabais» ou «bon
marché» 17 est un leit-motiv constant. Dans ce contexte, l’État provincial se
décharge en grande partie de ses responsabilités financières en les faisant
assumer par les commissions scolaires.
Une commission scolaire comme celle de
Montréal offre un bon exemple de ce qui se passe alors. À la fin du XIXe
siècle, les administrateurs de la C.E.C.M. désirent éviter une cléricalisation
intégrale du corps professoral enseignant aux garçons.
Pour ce faire, les commissaires s’efforcent
de réaliser des économies dans les écoles administrées par des congrégations
religieuses. L’objectif de ces économies sera de pouvoir offrir de bons
salaires aux hommes et ainsi les attirer et les retenir dans la profession de
l’enseignement. Il en résulte que, durant toute la deuxième moitié du XIXe
siècle, la C.E.C.M. dépense six à dix fois plus pour l’instruction des garçons
que pour celle des filles. Dans les écoles laïques, le coût annuel par élève
varie chez les garçons entre 9,33$ et 16,78$; chez les filles, il oscille entre
1,30$ et 4,48$. Au XIXe siècle, la C.E.C.M. construit elle-même des
écoles pour les garçons. Pour les filles, cette entreprise est laissée aux
soins des congrégations religieuses 18. Ailleurs en province,
la priorité aux religieux(ses) et la discrimination envers les institutrices
laïques sont aussi les principaux moyens utilisés pour développer
«économiquement» l’instruction publique.
Á
la même époque, on observe également une grande imprécision dans les programmes
d’études. Les niveaux d’étude sont les cours élémentaire, modèle et académique.
Le contenu de ces programmes et leur scolarité théorique ne sont établis
définitivement qu’en 1888 par le Département de l’instruction publique. Il
faudrait d’ailleurs immédiatement ajouter que la scolarité déterminée en 1888
pour les différents cours d’études ne peut s’appliquer concrètement et que, par
exemple, le cours élémentaire ne peut être couvert en quatre ans tel que le
D.I.P. le propose: l’expérience a prouvé qu’il faut sept ans d’école à la
plupart des enfants pour faire le cours élémentaire. Quelques-uns en prendront
huit, un plus petit nombre six 19
Il faut enfin souligner qu’en 1846, une
mesure avait été adoptée concernant les enseignants-religieux. Cette mesure
stipulait que religieuses et religieux n’étaient pas tenus de posséder un brevet
pour enseigner 20. Bénéfique à court terme car il permettait aux congrégations
enseignantes d’accueillir des novices ne détenant aucun diplôme quitte à les
former par la suite, ce règlement allait, au XXe siècle, engendrer
de multiples casse-tête, notamment pour les administratrices des congrégations
de femmes. Nous en reparlerons.
Cet ensemble de facteurs et surtout le
manque de rigueur des structures de l’enseignement public laisse alors une
marge de manoeuvre confortable aux congrégations enseignantes de femmes. Chaque
congrégation élabore donc son programme-maison (Tableau 11). D’une congrégation
à l’autre, les terminologies varient: cours gradué, cours sous-gradué, cours
supérieur; ces termes ne désignent pas nécessairement des programmes et des
années d’études identiques. Chaque congrégation tient cependant à ce que ses
finissantes soient conscientes d’avoir effectué un cycle complet et terminal
d’études et marque cette volonté par les appellations soit de cours gradué,
soit de cours supérieur. Pourtant, aucun de ces diplômes n’est reconnu ou
sanctionné officiellement. Tous sont des diplômes-maison ne donnant accès ni à
des études supérieures ni au marché du travail.
Cependant, les jeunes filles qui poursuivent
ces études peuvent obtenir des diplômes officiels. En effet, en se présentant
devant un bureau régional d’examinateurs, elles sont en mesure de passer les
examens permettant l’obtention des brevets d’écoles élémentaire, modèle ou
académique sanctionnés par le ministère ou le Département de l’instruction
publique 21. Il faut noter que ces brevets d’enseignement sont, à la fin du XIXe
siècle, les seuls diplômes accessibles aux filles. D’autre part, il semble bien
que l’on puisse affirmer, dans l’état actuelle des recherches, que le diplôme
d’école académique, en théorie accessible aux jeunes filles fréquentant l’école
publique, ne pouvait en fait être obtenu que par des études dans une
institution privée 22. En outre, les archives des congrégations de
religieuses enseignantes laissent entrevoir que leur programme-maison ne se
voulait pas limité au programme du cours académique mais tendait à le dépasser
quand cela ne serait que par le refus de l’étiqueter «cours académique». Au
demeurant, les religieuses sont les seules à offrir le cours académique aux
francophones au XIXe siècle 23.
L’instruction des filles repose donc dans
une large mesure sur les épaules des congrégations religieuses de femmes autant
pour la construction des écoles que pour l’établissement des programmes. Pour
arriver à faire face aux obligations financières que nécessite une pareille
prise en charge, les religieuses se devront d’assurer leur survie matérielle.
Elles y parviendront en implantant dans diverses paroisses, des pensionnats
indépendants dont les
revenus procurent
une certaine stabilité à la communauté. C’est ce qui a été démontré dans la
paroisse Saint-Jean-Baptiste de Montréal où les recettes tirées de l’école
privée, l’Académie Marie-Rose, permettaient aux religieuses des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie
d’assumer concurremment l’enseignement à l’école publique 24. Ce modèle de
financement du réseau public par le réseau privé fut probablement assez répandu
au XIXe siècle dans les institutions dirigées par les religieuses 25. Il semble que les
religieuses aient tablé sur les différences sociales pour s’assurer une
clientèle payante.
Les pensionnaires
avaient été entièrement séparées des quarts de pension, ce qui donnait un grand
avantage au Pensionnat, permettant un meilleur choix d’élèves et offrant plus
de facilités pour les mieux former à la vie chrétienne et sociale. Toutes les
distinctions et les privilèges étant réservés aux pensionnaires, les premières
familles de la ville et des environs tinrent à l’honneur de faire élever leurs
enfants au Couvent et depuis le pensionnat n’a fait qu’augmenter. 26
La scolarité plus
longue et l’appellation «cours gradué» devaient compter également dans
l’incitation à fréquenter le pensionnat.
Il semble bien aussi que ce phénomène était
vécu sans qu’on en saisisse toute la portée. Compte tenu des salaires
dérisoires versés aux religieuses enseignantes dans le réseau public
d’enseignement, seules les institutions privées garantissaient la survie des
congrégations. Cette survie assurée, une partie des effectifs enseignants de
chaque congrégation était en mesure de prendre en charge l’enseignement aux
enfants fréquentant les écoles publiques. Au XIXe siècle, tout se
passe donc comme si le secteur privé finançait en quelque sorte le secteur
public dans le domaine de l’instruction des filles – surtout quand on compare
avec les efforts des religieux et le gouvernement pour développer l’enseignement
offert aux garçons.
Période 1899-1939
Dès 1893, des membres du Conseil de
l’instruction publique avaient tenté d’abolir le règlement de 1846 qui
permettait aux religieux(ses) d’enseigner sans brevet 27. L’échec de cette
tentative 28 entraîne toutefois en 1899 l’abolition des bureaux régionaux d’examinateurs
et la création d’un bureau central pour ceux et celles qui veulent obtenir un
brevet d’enseignement. Ce changement de structure visait évidemment à
uniformiser la formation des enseignants et par conséquent, impliquait une
conformité plus poussée des programmes des pensionnats aux exigences du
Département de l’instruction publique. C’est dans ce contexte que s’explique la
création et l’expansion du réseau catholique des écoles normales de filles. On
compte une seule école normale de filles en 1898, sept en 1908, onze en 1918,
dix-sept en 1928 et vingt-trois en 1938 29. Par ailleurs, une
décision du Conseil de l’'instruction publique, en 1913, stipule que dorénavant
les examens du bureau central se feront d’après les programmes en vigueur dans
les écoles normales de garçons 30
Ce mouvement se trouvait à avaliser en
quelque sorte l’extension de la scolarité offerte aux filles par les
religieuses. L’opinion publique, l’État et le clergé étaient, dans l’ensemble,
favorables à la fréquentation des écoles normales par des jeunes filles.
Pourtant, lorsque l’on compare le traitement réservé aux écoles normales de
garçons à celui des mêmes institutions pour jeunes filles, on constate
certaines discriminations. Ainsi, par exemple, les écoles normales Jacques-Cartier
et Laval destinées aux garçons furent aménagées dans des locaux appartenant au
gouvernement. Pour les filles, les Ursulines et, plus tard, les Dames de la
Congrégation durent elles-mêmes fournir les locaux. Entre 1899 et 1922, quand
une nouvelle école normale de filles est ouverte, elle est généralement établie
dans un pensionnat aménagé à cette fin. Quand il faut construire un édifice,
les religieuses en assument les frais. En fait, « ... le gouvernement
provincial ne bâtit pas lui-même les écoles normales de filles et il n’en
prend pas la responsabilité financière» 31 Cette parcimonie
de l’État se reflète également au niveau des subventions accordées aux écoles
normales. Ainsi, en 1907-08, les quatre écoles normales catholiques de filles
ne reçoivent que 38% de la subvention globale destinée aux écoles normales
catholiques. Ces quelques exemples permettent de saisir que, même dans
l’enseignement normal, les congrégations religieuses féminines eurent à
surmonter des difficultés que le consensus à propos de la légitimité des études
des filles dans ce type d'institutions ne permettait pas d’entrevoir.
Ainsi, les pressions du D.I.P. et celles du
Conseil de l’instruction publique menaçaient à plus ou moins long terme de
transformer une très grande majorité des pensionnats fondés par les religieuses
en autant de «mini» écoles normales. Il ne semble pas que les congrégations
religieuses féminines aient été pleinement d’accord avec cette canalisation
des études des filles dans le seul champ dé l’enseignement. Elles désiraient
ouvrir d’autres voies à l’activité des filles. Déjà, les Ursulines en
inaugurant à Roberval une première école ménagère avait lancé un type
d’institution qui se répandra surtout après la fondation du cours
classico-ménager par les Dames de la Congrégation à Saint-Pascal en 1905 32. C’est également à
la même époque qu’à la suite des hôpitaux anglophones, les religieuses
hospitalières francophones ouvriront les premières écoles d’infirmières 33. De la même façon,
la mise sur pied des différentes écoles commerciales pour jeunes filles se
situe durant la même période. Malheureusement la recherche est encore très
incomplète à ce niveau. Il en est de même pour les différentes écoles supérieures
de musique dont les programmes se structurent aussi durant le premier tiers du
XXe siècle.
L’ensemble de ces cours permettait donc aux
jeunes filles de s’orienter ailleurs que dans l’enseignement. Cependant, pour
les congrégations religieuses féminines, ces programmes étaient insuffisants
pour contrer ce qui leur semblait une ingérence du D.I.P. dans les programmes
de leur congrégation. Désirant sans doute conserver leurs distances face au
pouvoir public, refusant de transformer tous leurs pensionnats en «mini» écoles
normales, elles se tournent vers les administrations universitaires. Dans une
lettre collective, signée par les maîtresses générales des études des Soeurs
de Sainte-Anne, de Sainte-Croix et des Saints Noms-de-Jésus-et-de-Marie, les
différentes communautés demandent à la Faculté des arts de l’Université Laval
(à Montréal) d’accorder un certificat officiel aux finissantes de leur cours
d’études. Ce cours sera celui de Lettres-Sciences 34. Grâce à lui, les
programmes des pensionnats gardent une certaine autonomie par rapport à ceux
que le D.I.P. semblait leur imposer. Plus encore, le cours de Lettres-Sciences
offre un diplôme dont la scolarité et la valeur sont plus élevés que le plus
haut brevet d’enseignement 35
Or, en 1923 et surtout en 1929, se produit
une réforme qui risque de mettre en péril la suprématie du cours de
Lettres-Sciences par rapport aux autres programmes d’études. Ces années-là, en
effet, le cours primaire se transforme et s’allonge dans le secteur public 36. Avec ses douze
années de scolarité, il risque de déclasser le cours de Lettres-Sciences qui
en exige onze seulement. De leur côté, les écoles normales ont atteint la durée
de scolarité du cours Lettres-Sciences: ainsi, en 1934, pour les filles, un
minimum de onze années d’études est exigé pour l’obtention du brevet
supplémentaire.
C’est dans ce contexte que se situe
l’implantation d’un réseau de collèges classiques féminins. Certes, le collège
Marguerite-Bourgeoys était fondé depuis 1908. Il avait fallu attendre jusqu’en
1925 pour que s’ouvre le Collège Jésus-Marie de Sillery dans la région de
Québec. Mais entre 1932 et 1938, le rythme des fondations s’accélère et huit
nouveaux collèges féminins voient le jour 37.
Ce n’est certes pas le contexte économique
de la décennie qui peut expliquer cette étonnante floraison. Et ce ne peut être
non plus un soudain intérêt des facultés des arts pour l’enseignement classique
offert aux filles. Les recherches, en effet, permettent de documenter longuement
les réticences des responsables masculins face au baccalauréat féminin 38, alors qu’au même
moment l’Université Laval accordait les affiliations pour le cours dit
«classico-ménager» 39 Nous faisons l’hypothèse que voulant
maintenir leurs distances avec le secteur public, continuer d’offrir dans leurs
pensionnats une scolarité plus longue, et surtout garder chez elles «leurs»
finissantes, chaque congrégation a tenu à obtenir son cours classique identique
à celui des garçons. C’est le Collège Marie-Anne qui donne le coup d’envoi de
cette série de fondations. Cela n’ira pas sans mal. L’archevêché de Montréal
hésite à donner son approbation. Or, celle-ci est indispensable pour obtenir
l’affiliation à l’université. Les pressions des Soeurs de Sainte-Anne conjuguées
à l’appui de Mère Sainte-Anne-Marie finiront par enlever la décision 40. Un compromis sera
accepté: les élèves du futur Collège Sainte-Anne suivront leurs cours chez les
Soeurs de Sainte-Anne mais devront passer leurs examens au Collège
Marguerite-Bourgeoys. Le leitmotiv «Il ne faut pas multiplier les collèges
féminins» ne résistera pas, par la suite, aux demandes de différentes
congrégations voulant fonder leur propre institution, car un précédent a été
créé. Chaque congrégation exploitera, en rencontrant des résistances parfois,
la brèche créée par l’ouverture d’un deuxième collège féminin à Montréal.
C’est dans le même esprit que plusieurs
congrégations cherchent à améliorer leur programme-maison en sollicitant les
autorisations des facultés universitaires. C’est le cas des Soeurs de
l'Assomption qui, affiliées à l’Université Laval, ne sont pas autorisées à
offrir le cours Lettres-sciences. La maîtresse générale des études écrit:
...Vous pouvez
constater, monsieur le secrétaire, que les modifications [... ] ne tendent pas
à affaiblir le programme. Nous désirons en effet, que tout en se rapprochant de
celui du Bureau central, il garde un degré de supériorité qui lui permette de
soutenir avantageusement la comparaison avec le programme des instituts
affiliés à l’Université de Montréal, avec celui des classes primaire supérieure
de 9e, 10e et 11e années, et avec le «Program for the English Speaking Catholic
High School» auquel est emprunté celui de l’enseignement moyen. 41
La période
1899-1939 en est donc une de floraison d’institutions et de programmes qui permettent
aux jeunes filles d’accéder à des études dont la scolarité est de plus en plus
poussée. Cet allongement de la scolarité des filles implique, pour les
religieuses enseignantes, l’obligation de poursuivre elles-mêmes leurs études.
Or la loi de 1846 est toujours en vigueur et nulle enseignante religieuse n’est
tenue de détenir un brevet d’enseignement. Il y a là un problème qui incite les
directrices générales des études à inciter vigoureusement leurs enseignantes à
se munir de brevets. Mais, elles rencontrent des résistances. L’une d’elles
écrit:
Il est évident que
nous avons et que nous aurons encore longtemps des maîtresses qui ne sont pas
à la hauteur de leur tâche; il est évident aussi que les études pédagogiques du
noviciat ne durent qu’une année – il serait plus juste de dire neuf mois en
soustrayant toutes les leçons perdues par les vacances trop longues et les
corvées que trop souvent les novices sont appelées à donner au détriment de
leur classe – il est évident que ces études ne sauraient suffire à former de
bonnes maîtresses. 42
On stigmatise «les
routinières – celles qui enseignent aujourd’hui comme on le faisait il y a
vingt ans, et qui refusent d’entrer dans le mouvement pédagogique – ...» 43. Une maîtresse
générale des études encourage les religieuses enseignant à un niveau
particulier et ne possédant pas ce diplôme à se préparer pour obtenir ce
brevet du bureau central des examinateurs. Par exemple, les «maîtresses munies
d’un diplôme modèle, qui enseignent les classes de 7e et 8e années, et, en
conséquences, préparent plus ou moins directement les élèves pour le brevet
académique suivront le programme de leurs élèves... » 44. Il en va de même
pour celles qui enseignent aux cours modèle et élémentaire sans en dé tenir le
diplôme. Malgré ces incitations, une proportion importante de religieuses ne
détiennent pas de brevets d’enseignement. Dans une communauté, en 1924, sur un
total de 514 enseignantes, 169 religieuses ne détiennent aucun diplôme 45; en 1928, la
situation ne s’est pas améliorée; 303 institutrices des 552 que compte la
communauté n'ont pas de brevet d’enseignement.
En fait, si les responsables des
congrégations insistent auprès de leurs religieuses pour qu’elles soient
légalement qualifiées, ce n’est pas uniquement pour s’assurer de la valeur de
l’enseignement mais surtout parce qu’elles veulent «prévenir les exigences
gouvernementales» 46 Cette loi de 1846 qui a eu comme conséquence
une acceptation officielle de l’absence de qualification d’une proportion non
négligeable des institutrices religieuses est maintenant ressentie comme une
constante épée de Damoclès. On le reconnaît: «ce brevet ne donnera à la plupart
des maîtresses ni plus d’autorité, ni plus de capacité, mais il servira
beaucoup à la communauté qui aura besoin de produire avant longtemps peut-être
des statistiques sur son personnel enseignant» 47. Les religieuses
ne se sentent pas tellement menacées par l’État québécois – qui ne montre aucune
veilléité d’abroger la loi de 1846; elles craignent les autorités locales, i.e.
les commissions scolaires. «Lorsque MM. les Commissaires paieront un salaire
plus élevé aux maîtresses pourvues de certificats de pédagogie, ils seront par
ce fait même renseignés sur la capacité du personnel enseignant des
congrégations religieuses, et ils exigeront ce qu’ils ont le droit d’avoir, des
maîtresses préparées... » 48 Or, la perspective de la disparition à brève
échéance du bureau central des examinateurs rendait plus difficile encore la
qualification des institutrices religieuses en fonction. Informées de la
future disparition du bureau central dès 1936, la plupart des communautés de
religieuses enseignantes établissent leur propre scolasticat dont les premiers
sont officiellement reconnus en 1937.
S’il fallait pallier d’une façon ou d’une
autre aux problèmes causés aux communautés par la loi de 1846, soit par le
biais de brevets octroyés par le bureau central des examinateurs soit par les
fondateurs de scolasticats-écoles normales, il fallait également assurer la
formation des religieuses qui, détenant déjà les plus avancés. L’ouverture de
l’Institut pédagogique par la Congrégation Notre-Dame en 1916, puis son
affiliation à l’Université de Montréal, en 1926, permit aux religieuses
enseignantes de se perfectionner. Vers la même époque, l’Université de Montréal
permit aux religieuses enseignantes d’obtenir leur baccalauréat graduellement
en fractionnant les matières universitaires en huit examens. Grâce à ces facilités
offertes aux religieuses, quelques-unes d’entre elles, dans chaque
congrégation, se mettront en mesure d’assumer l’enseignement aux étudiantes
des collèges classiques féminins. D’autre part, les soeurs enseignantes peuvent
aussi obtenir le diplôme de lettres-sciences, en étudiant à temps partiel,
alors que leurs études et les examens qui les sanctionnent sont entièrement
sous la juridiction de leur congrégation 49. Ainsi,
l’introduction du cours de lettres-sciences dans une communauté lui permettait
d’en faire profiter ses sujets. Cet argument est d’ailleurs invoqué lors de la
fondation d’un collège classique:
Il est un avantage
sur lequel nous nous permettons d’attirer votre attention... C’est la
possibilité pour nos jeunes maîtresses, titulaires des classes de
Lettres-Sciences, de suivre les cours (du baccalauréat)... Par cette démarche,
nous comptons bien répondre à un besoin et surtout contribuer à la formation
de notre personnel enseignant. 50
Un autre motif
sous-tend également très souvent la fondation d’écoles normales, de cours
Lettres-Sciences ou de collèges classiques féminins. Grâce à ces institutions,
les congrégations religieuses espéraient recruter de nouveaux sujets possédant
déjà une certaine formation.
À la lumière de ces différentes
informations, on peut percevoir que les religieuses enseignantes tentèrent,
durant la période 1899-1939, de contrer les pressions extérieures ou les
tentatives d’ingérence, qu’elles viennent du D.I.P. ou des commissions
scolaires locales. Ce faisant, elles ont créé littéralement tout un éventail
d’avenues éducatives pour les filles, tout en obligeant les responsables des
études à améliorer la qualification du personnel religieux. Au fond, le
prolongement et la structuration des programmes féminins sont tributaires d’une
scolarisation plus poussée d’une faible partie des religieuses enseignantes,
mais également responsables d’un effet d’entraînement sur la formation de l’ensemble
des enseignantes religieuses. En effet, les institutions créées pour les
étudiantes seront utilisées en vue de perfectionner une partie du personnel
enseignant et de recruter de nouveaux sujets de mieux en mieux qualifiés.
Période 1939-1960
Cette dernière période se caractérise par
une conjoncture nouvelle. La loi de l’obligation scolaire, dont la discussion a
entraîné une gigantesque consultation, a suscité une refonte complète de tous
les programmes, de la scolarité et de la pédagogie. Cette fois, les
congrégations religieuses sont consultées, mais le contrôle de leurs propres
institutions va sensiblement leur échapper à mesure que l’État prend en charge
l’instruction publique.
Comme on s’y attendait depuis déjà quelques
années, le bureau central des examinateurs est aboli en 1939. Aussitôt, on
assiste à une multiplication des scolasticats-écoles normales. Voici, de cinq
en cinq ans, l’évolution de ce réseau chez les religieuses.
TABLEAU 12. Les
scholasticats de religieuses (1937-1954)
|
Nombre de scolasticats |
Nombre d'élèves |
Nombre de diplômes |
1937-38 |
8 |
59 |
50 |
1941-42 |
28 |
150 |
121 |
1945-46 |
29 |
483 |
175 |
1949-50 |
28 |
431 |
164 |
1953-54 |
33 |
497 |
265 |
Source: «Écoles normales catholiques. Un siècle
d’existence 1857-1957» dans L’Instruction publiques, avril 1957, p. 564.
Alors que s’organisent les scolasticats
religieux, les laïcs, de leut côté, engagent la lutte pour obtenir de meiulleurs
salaires. Entre 1939 et 1945, les syndicats d’enseignants laïques font des
gains substanttiels à ce chapitre 51. Un tableau comparatif permet de saisir le fossé
existant alors entre les salaires des enseignantes religieuses et laïques dans
quelques régions du Québec.
TABLEAU 13. Salaires
moyens des enseignantes catholiques (1945)
|
Religieuses |
||
|
école élémentaire |
école complémentaire |
école supérieure |
C.E.C.M. |
878$ |
833$ |
876$ |
C.E.C.Q. |
500$ |
500$ |
500$ |
Outaouais |
553$ |
602$ |
625$ |
Gaspésie |
546$ |
548$ |
562$ |
Sherbrooke |
500$ |
572$ |
553$ |
Laïques |
|||
|
école élémentaire |
école complémentaire |
école supérieure |
C.E.C.M. |
1680$ |
1673$ |
1900$ |
C.E.C.Q. |
1465$ |
1396$ |
496$ |
Outaouais |
654$ |
750$ |
- |
Gaspésie |
550$ |
590$ |
586$ |
Sherbrooke |
600$ |
776$ |
751$ |
SOURCE: R.S.LP. 145-46,
pp. 19, 141, 156, 173, 212.
Il existe donc en plusieurs cas des écarts notables
entre les salaires versés aux enseignantes religieuses et ceux octroyés aux
laïques. Ces écarts sont plus prononcés dans les villes de Québec et de
Montréal. Or il semble que cet écart se soit quelque peu amenuisé dans la décennie
suivante. En effet, en 1955, le Surintendant de l’instruction publique rapporte
que le salaire moyen des religieuses enseignantes, pour tout le Québec, est de
1120$, celui des laïques s’élevant à 1630$ 52 Ces données
évidemment ne concernent que les écoles sous contrôle, c’est-à-dire publiques.
Elles permettent d’entrevoir que la hausse des salaires des enseignants laïcs
provoque un effet d’entraînement sur la rémunération des enseignantes
religieuses. Il s’avérait de plus en plus rentable, pour les congrégations, de
développer leur enseignement au secteur public. Les contrats signés avec les
commissions scolaires leur permettaient d’assumer les lourdes responsabilités
qu’elles s’étaient imposées pour l’enseignement post-primaire offert aux
filles. Car l’école obligatoire a entraîné la gratuité de l’enseignement 53. Les écoles se
sont multipliées 54, et le nombre d’écoles dirigées par les
religieuses augmente en flèche. Les écoles publiques se remplissent d’une masse
de jeunes dorénavant obligés de fréquenter l’école.
Mais les congrégations religieuses doivent
continuer de soutenir seules les institutions indépendantes dispensant le cours
de Lettres-Sciences, des cours avancés de musique ou d’enseignement ménager
ainsi que le second cycle du cours classique 55. Or, une faible
minorité de jeunes filles fréquentent ces institutions et le nombre de graduées
est bien souvent dérisoire. L’exemple des collèges classiques féminins est à
cet égard sans doute le plus frappant. Privés de subventions, ces
établissements ne comptent que sur les frais d’inscription, de scolarité et de
pension pour fonctionner 56. On peut dès lors se poser la question: les
fonds ainsi fournis par les étudiantes des collèges classiques étaient-ils
suffisants pour pourvoir entièrement aux coûts de leur formation? Le tableau
14 nous permettra en tout cas de saisir le volume d’étudiantes qui atteignaient
l’objectif final des études classiques: le baccalauréat. Le nombre de
bachelières est dérisoire dans chacun des collèges étudiés, exception faite du
Collège Marguerite-Bourgeoys. Non seulement le nombre de bachelières est-il
très faible, mais en plus, le phénomène bien connu de l’entonnoir est
saisissant pour toutes les institutions: la persévérance scolaire est réduite.
Or ces cours d’enseignement supérieur, qu’ils portent sur les études musicales
avancées, sur l'enseignement classique ou la formation reçue dans les instituts
de pédagogie familiale, voire le simple cours Lettres-Sciences, exigent tous un
personnel nombreux, un équipement varié et dispendieux ainsi que des locaux
appropriés dont l'aménagement requiert des investissements quelquefois
importants. Ce personnel souvent surchargé ne reçoit aucun salaire. Le ratio
professeur-élève est nécessairement très faible 57. Les
investissements en matériel didactique (par exemple: équipement de laboratoires
de physique, chimie, biologie, bibliothèque) sont disproportionnés par rapport
au volume de la clientèle étudiante.
TABLEAU 14. Nombre
moyen de bachelières de quelques collèges
classiques féminins (moyenne quinquennale)
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
|
7 |
8 |
9 |
1911-1915 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1928-1932 |
14.8 |
2.6 |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
1933-1937 |
23.8 |
2.2 |
4.6 |
- |
3.5 |
0 |
- |
- |
- |
1938-1942 |
23.2 |
4 |
6.6 |
- |
8.4 |
0 |
1.5 |
3.6 |
|
1943-1947 |
21 |
8.6 |
6.4 |
- |
6.8 |
1.4 |
1 |
5.6 |
- |
1948-1952 |
19.8 |
12.8 |
6 |
5.6 |
? |
2.6 |
2.8 |
7.4 |
3.7 |
1953-1957 |
30.6 |
|
9.8 |
5.3 |
? |
4.5 |
3.6 |
8.4 |
? |
SOURCES:
1) Lucienne Plante, L’enseignement classique à
la Congrégation Notre-Dame, thèse de Ph. D., Laval, 1972 (Collège
Marguerite Bourgeoys).
2) Collège Jésus-Marie de Sillery, «Bachelières
finissantes 1928-1969», document dactylographié (5.0).
3) Michèle Jean, Le Collège Marie-Anne, thèse
de M.A., Montréal, 1975.
4) Lise Théberge, Le Collège du Bon Pasteur de
Chicoutimi, thèse de M.A., UQC, 1982.
5) M.-Paule Maloin, L'enseignement chez les
Soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, GREF, 1983, (Collège
Jésus-Marie d’Outremont).
6) Johanne Daigle, L’éducation des filles au couvent
des Ursulines de Trois-Rivières 1840-1950, GREF, 1983.
7) Antonine Gagnon, Le collège classique
Notré-Dame-de-l’Assomption de Nicolet, thèse de M.A., Laval, 1972.
8) Lucienne Plante, L’enseignement
classique... (Collège de Bellevue).
9) Marielle Langlois, L’enseignement chez les
Filles du Sacré-Coeur-de-Jésus, GREF, 1983.
Force nous est de
conclure que ce qui était vrai à la fin du XIXe siècle – alors que
les congrégations religieuses féminines assuraient leur survie grâce à leur
réseau privé d'enseignement – ne l’est plus dès 1940. Dorénavant, la survie des
congrégations religieuses, sans en être dépendante, peut s’appuyer, en partie,
sur le réseau public d'enseignement. Il devient possible aux congrégations de
ré-investir une partie des revenus tirés de l’enseignement au secteur public
dans les écoles supérieures privées destinées aux filles. Ce que les pouvoirs
publics se refusaient à faire, développer un enseignement de qualité pour les
filles, les congrégations religieuses enseignantes de femmes l’ont réalisé.
Lorsque l’État québécois prendra à sa charge toutes ces responsabilités, les
congrégations religieuses seront poliment (?) remerciées.
***
L’accès des femmes à l’éducation secondaire,
puis aux études universitaires a été rattaché à l’émergence des premières
revendications féministes. Le phénomène est très net dans les pays anglo-saxons
et il a joué également en France, bien que de manière très différente. Or il
semble bien qu’au Québec, l’accès aux études supérieures ait été dû en majeure
partie aux congrégations enseignantes 58. Pour remarquable
qu’il soit, cet effort n’en dissimule pas moins quelques contradictions. Nous
ne ferons que les énumérer car leur discussion nous entraînerait trop loin.
Tout d’abord, on discerne dans chaque
congrégation une habitude très nette de distinguer soigneusement les deux
clientèles auxquelles s’adressent les religieuses. Au XIXe siècle,
on parle couramment de «pauvres» et au XXe siècle, les règlements
empêchent les élèves de chaque secteur de se rencontrer ou de participer à des
activités communes. Mieux, certaines maisons exigent l’internat pour l’accès
aux scolarités plus longues. Un dossier considérable pourrait être constitué
ici: les religieuses offrent une éducation supérieure et payante à l’élite de
la société pendant qu’elles se dévouent à enseigner à la masse dans des classes
surpeuplées: clivage social qu’elles ont endossé, respecté et contribué à
maintenir. Elles ont même établi une hiérarchie entre leurs propres maisons, du
très noble collège classique à l’humble pensionnat rural où l’on n’offre
qu’une scolarité réduite.
L’examen de la philosophie de
l’enseignement qu’elles ont proposée à leurs élèves fait apparaître une seconde
contradiction. Le discours officiel proclame l’objectif traditionnel: préparer
de meilleures épouses et de meilleures mères de famille. Mais celles qui
propagent le message ont le statut de religieuses célibataires, présentent à
leurs élèves des modèles de vie professionnelle et exigent auprès des autorités
des diplômes utiles qui permettent de gagner sa vie. L’étude de la force
d’attraction du modèle qu’elles ont présenté offre des avenues intéressantes
qu’il importe d’examiner 59.
Il existe enfin une troisième
contradiction, plus subtile celle-là, relative aux aspirations
professionnelles des élèves. Théoriquement, les religieuses préparent leurs
élèves à exercer plusieurs occupations; mais en même temps, l’organisation
sociale laisse le contrôle de plusieurs de ces occupations aux congrégations
elles-mêmes. Combien de femmes au Québec sont entrées en religion pour
enseigner la littérature, la philosophie ou la musique? pour exercer les
fonctions les plus intéressantes de la profession d’infirmière? Pour exercer
efficacement le service social? ou tout simplement pour poursuivre des études? 60
C’est à ces questions que s’intéresse
maintenant le Groupe de recherche en histoire de l’éducation des filles.
Micheline
DUMONT
Marie-Paule
MALOUIN
Groupe
de recherche en histoire
de
l’éducation des filles
1Pour
un bilan de la recherche sur cette question voir: Nadia Fahmy-Eid et Micheline
Dumont, Maîtresses de maison, Maîtresses d’école. Le rapport femmesfamille-éducation
dans l’histoire du Québec, Montréal, Boréal-Express, 1983, 415 p. Voir
surtout pp. 25-46.
2Ce
phénomène est général dans tout le monde occidental et a été observé par toutes
les historiennes de l’éducation des filles. Voir note précédente.
3Un
bilan provisoire de cette recherche doit paraître dans Resources for
Feminist Research/Documentation sur la recherche féminine, vol. XII, no. 3
(automne 1983).
4Voir
Marie-Paule Malouin, «Les rapports entre l’école privée et l’école publique:
l’Académie Marie-Rose au 19e siècle» dans Maîtresses de maison,
Maîtresses d’école, pp. 77-92.
5Les
termes pensionnat et couvent sont utilisés indifféremment dans le langage
courant. Pourtant, chaque mot désigne une réalité distincte: le pensionnat est
une école/ internat qui accueille parfois des externes appelées
«quart-de-pension». Le couvent est la maison où habitent les religieuses.
6Voir
Marguerite Jean, Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada
de 1639 à nos jours, Montréal, Fides, 1977. Histoire de la congrégation
de Notre-Dame de Montréal, Montréal, vol. VI, VII et VIII, passim.
7Le
Canada ecclésiastique, 1960. Voir
Tableau 10.
8Marguerite Jean, Évolution,
passim.
9Jacques
Desgrandchamps, Monseigneur Antoine Racine et les communautés de religieuses
enseignantes, Sherbrooke, Groupe de recherche en histoire des Cantons de
l’Est, 1980, passim.
10Cette importance a
été établie à partir du nombre de sujets de chaque congrégation en 1969, telle qu’établie
dans l’annexe de Bernard Denault. Une erreur technique est responsable de
l’absence des Servantes du Coeur-Immaculée-de-Marie dans les tableaux 5, 6 et
8.
11Cette affirmation
repose sur les travaux de notre équipe de recherches.
12Signalons le plus
important: les Rapports du Surintendant de l'instruction publique
n’identifient pas tous les réseaux d'enseignement dans les pourcentages du
personnel enseignant, puisqu’il ne comptabilise que le personnel des écoles
sous contrôle.
13Louis-Philippe Audet,
Histoire de l’enseignement au Québec, Montréal, Holt, Rinehart &
Winston, 1971, Tome 2, p. 319. Dans ce tableau, Audet n’identifie pas quels
réseaux sont couverts par ses données.
14Rapport du
Surintendant de l'instruction publique, 1960.
15Jean-Pierre
Charland, Histoire de l’enseignement professionnel, Québec, I.Q.R.C.,
1982, ignore l’enseignement professionnel destiné aux filles; Marcel Fournier, Entre
l’école et l’usine, Montréal, Éditions coopératives Albert
Saint-Martin/C.E.Q., 1980, commet la même omission. Pourtant leurs statistiques
sur la situation récente présentent d’importantes cohortes féminines qui ne
sont vraisemblablement pas apparues du jour au lendemain. Le mystère reste
entier car jusqu’ici, notre recherche n’a pu couvrir adéquatement ce secteur
livré à l’entreprise privée.
16 Ruby Heap, L’Église,
l’État et l’éducation au Québec 1875-1898, thèse de M.A., Université
McGill, Montréal, 1978, p. 100.
17Ibid., p. 500.
18Marta Danylewycz,
«Sexes et classes sociales dans l’enseignement: le cas de Montréal à la fin du
XIXe siècle» dans Maîtresses de maison, pp. 93-118.
19A.N.Q., Fonds des
écoles primaires, Esquisse de l’évolution des programmes des écoles
catholiques de 1888 à 1943, textes dactylographiés, (s.d.), vol. 1, pp. 3,
89, 306, 323, 247, 348.
20Statuts refondus du
Bas-Canada, chap. 15, section 110, par. 10.
21De 1867 à 1875, il
s’agit du Ministère de l’instruction publique, après cette date, du Département
du même nom.
22Toutes les
monographies consacrées à des pensionnats attestent cette affirmation.
23D’après les Rapports
du Surintendant de l’instruction publique. Les filles fréquentant des
académies laïques sont des anglophones inscrites dans des académies mixtes.
24Marie-Paule
Malouin, L’Académie Marie-Rose 1876-1911, mémoire de M. A. Université
de Montréal, 1980, pp. 77-9 (voir aussi note 4).
25La démonstration
établie par Marie-Paule Malouin dans sa recherche sur l’Académie Marie-Rose
est corroborée par plusieurs des monographies de notre groupe, notamment celle
de Ruby Heap sur les Soeurs de la Charité de Québec, celle de Joanne Daigle sur
les Ursulines de Trois-Rivières, et la thèse déjà citée de Jacques Desgrandchamps
qui explique le même processus pour six congrégations distinctes du diocèse de
Sherbrooke au XIXe siècle.
26Annales du Mont
Notre-Dame de Sherbrooke, I, 1880, cité par J. Desgrandchamps, Mgr
Antoine Racine, p. 23.
27Thomas Chapais, Les
congrégations enseignantes et le brevet de capacité, Québec, Brousseau,
1893, p. 9.
28Des supérieures
générales font parvenir à l’Archevêque de Montréal de longs réquisitoires sur
cette question. Voir entre autres, Histoire de la Congrégation Notre-Dame,
vol. 10, tome 2, pp. 497-507.
29Les informations
qui suivent sont tirées du livre de Jeannette Létourneau, Les écoles
normales de filles au Québec, Montréal, Fides, 1981, 239 p.
30A.U.C.R.F.*, Boîte
298, Notes relatives aux études, respectueusement soumises à Notre Mère
générale et aux mères conseillères, Manuscrit, janvier 1914, p. 2.
* Pour éviter que certains
documents ne soient mal interprétés, nous avons identifié un fonds d’archives
particulier, par le sigle – A.U.C.R.F.: Archives d’une congrégation religieuse
féminine.
31Mgr J.A.
Archambault, «L’École normale de jeunes filles à Joliette» dans Lettres
pastorales, Mandements et circulaires de Mgr J.A. Archambault,
vol. III, no 8, pp. 162-3.
32N. Thivierge,
Écoles ménagères et instituts familiaux: un modèle féminin traditionnel,
Québec, I.Q.R.C., 1982, 475 p.
33E. Desjardins, S.
Giroux et E.C. Flanagan, Histoire de la profession infirmière au Québec,
Montréal, Association des infirmières et infirmiers du Québec, 1970, pp.
111-112.
34A.U.C.R.F., Boîte
300, «Lettre collective au secrétariat de l’Université Laval de Montréal», 18
mars 1916.
35Les désignations
des brevets d’enseignement changent durant la période: les plus élevés seront
l’académique jusqu’en 1923, le complémentaire jusqu’en 1929, le supplémentaire
jusqu’en 1937.
36C’est la création
du primaire-complémentaire en 1923 et du primaire supérieur en 1929. Dans les
faits, un nombre minime de filles peut accéder à ces programmes.
37Claude Galarneau, Les
collèges classiques au Canada français, Fides, 1978, horstexte.
38Lucienne Plante, L’enseignement
classique à la Congrégation de Notre-Dame (1908-1971), thèse de Ph. D.,
Université Laval, 1971.
39 Abbé Honorius
Provost, «Historique de la Faculté des Arts de l’Université Laval 1852-1952»
dans L’enseignement secondaire au Canada, Québec, Université Laval,
1952, pp. 1-2.
40Michèle Jean, « L’enseignement
supérieur des filles et son ambiguïté: le Collège Marie-Anne, 1932-1958» dans Maîtresses
de maison, pp. 145-152. Mère Sainte-AnneMarie, c.n.d. est la fondatrice du
Collège Marguerite Bourgeoys.
41Archives de la
Maison Mère des Soeurs de l’Assomption de la Sainte-Vierge, «Lettre des
S.A.S.V. à l’abbé Arthur Maheux, secrétaire de l’Université Laval, 23 octobre
1933 ».
42 A.U.C.R.F., Rapport
sur les études 1908-1914, pp. 2-3.
43A.U.C.R.F.,
Décisions capitulaires, 1914, p. 4.
44A.U.C.R.F., «Lettre
de la maîtresse générale des études», 1er octobre 1914, p. 1.
45A.U.C.R.F., Rapport
des études, 1921-1924, p. 8; 1922-28, p. 36.
46A.U.C.R.F., Décisions
capitulaires, 1914, p. 6.
47A.U.C.R.F., «Lettre
de la maîtresse générale des études», 18 février 1916, p. 1.
48A.U.C.R.F., «Lettre
de la directrice générale des études», 27 novembre 1918, pp. 1-3.
49A.U.C.R.F., Rapport
des études, 1922-1928, p. 3.
50A.U.C.R.F., Rapport
des études, 1932-1933, pp. 20-1.
51Maryse Thivierge, «La
syndicalisation des institutrices catholiques 1900-1959», Maîtresses de
maison, pp. 181-187.
52R. S. L P. ,
1955-56, p. 67.
53Gérard Filteau,
Organisation scolaire de la province de Québec, Montréal, C.P.P., 1954, pp.
100-1.
54Ruby Heap, Les
Soeurs de la Charité de Québec, GREF, 1983, pp. 94-5. Toutes nos autres
recherches confirment cette affirmation.
55La signification et
les besoins de l’enseignement classique pour jeunes filles. Mémoire des
collèges classiques de jeunes filles du Québec à la Commission royale d’enquête
sur les problèmes constitutionnels, 1954.
56 Les frais sont de
350$ à 600$ dans les collèges classiques contre 250$ à l’école normale. Ibidem,
p. 76. Par ailleurs, 14% des collégiennes reçoivent des bourses dont 75% de la
valeur globale est fournie par les collèges eux-mêmes tandis que 73% des
normaliennes reçoivent des bourses de l’Aide à la jeunesse en plus de prêts et
95% des étudiantes des instituts familiaux reçoivent des bourses de diverses
sources, Ibidem, pp. 108-9.
57Au Collège
Marguerite d’Youville de Hull, on compte 6 religieuses pour 61 élèves en
1955-56; 8 religieuses pour 82 élèves en 1958-59. Voir Andrée Dufour, Les
Soeurs Grises de la Croix d’Ottawa et l’éducation des jeunes filles dans
l’Outaouais québécois 1901-1968, GREF, 1982, pp. 52 et 69.
58Marta Danylewycz,
«Une nouvelle complicité: féministes et religieuses à Montréal, 1890-1925» dans
Marie Lavigne et Yolande Picard, Travailleurs et féministes, BoréalExpress,
1983, pp. 245-70.
59Danielle
Juteau-Lee, «Les religieuses du Québec: leur influence sur la vie
professionnelle des femmes: 1908-1954», dans Atlantis, vol. 5, no 2
(printemps 1980) pp. 22-3.
60Barbara Cooper, In
the Spirit: Entrants to a Religious Community of Women in Quebec: 1930-1939,
Thèse de maîtrise, Université McGill, 1983.