CCHA Report, 1 (1933-1934), 69-79

LA LIBERTE DES CULTES AU CANADA (1)

PAR ME JEAN-FRANCOIS POULIOT

    Dans la Nouvelle-France, depuis le jour où Jacques Cartier avait pris possession de la colonie en plantant une croix au nom de son souverain, la religion catholique romaine n'avait cessé d'être religion d'état.

LES CAPITULATIONS DE QUÉBEC ET DE MONTRÉAL

    Lors de la capitulation de Québec (1759), Saunders et Townshend, qui savaient combien les Canadiens étaient attachés à leur foi, firent preuve de haute diplomatie en répondant comme suit à, de Ramezay:

"Libre exercice de la religion romaine, sauvegardes accordées à toutes personnes religieuses ainsi qu'à Mr l'Evêque, qui pourra venir exercer librement et avec décence, les fonctions de son état, lorsqu'il le jugera à propos, jusqu'à ce que la possession du Canada ait été décidée entre Sa Majesté Britannique et Sa Majesté Très Chrétienne."

    Le vainqueur était assurément aussi habile que généreux. Le caractère essentiellement temporaire et la condition suspensive de ses concessions le prouvent.

    La capitulation de Montréal fut signée le 8 septembre 1760, exactement trois mois après la mort de Mgr de Pontbriand, évêque de Québec.

    Amherst suit en premier lieu l'exemple de Townshend, et il ne va pas jusqu'à nier aux catholiques le droit d'exercer librement leur religion, mais, d'autre part, il refuse carrément au "futur évêque" (sic) : 1o. "d'établir dans le besoin de nouvelles paroisses"; - 20. "de pourvoir au rétablissement de sa cathédrale et de son palais épiscopal"; - 30. "la liberté de demeurer dans les villes ou paroisses, comme il le jugera à propos"; - 40. "de visiter son diocèse avec les cérémonies ordinaires"; et - 5o. "d'exercer toute la juridiction que son prédécesseur exerçait sous la domination française", même "sauf à exiger de lui le serment del fidélité ou promesse de ne rien faire ni rien dire contre le service de Sa Majesté Britannique."

    Ce refus du général anglais de reconnaître l'autorité ecclésiastique du futur évêque de Québec signifiait qu'à ses yeux la population catholique du Canada, troupeau sans pasteur, était libre d'exercer sa religion, mais sans chef spirituel, ce qui était un non-sens et une absurdité.

LE TRAITÉ DE PARIS

    Pour employer les termes de la capitulation de Québec, "la possession du Canada fut décidée entre Sa Majesté Britannique et Sa Majesté Très Chrétienne" par le traité de Paris, (10 février 1763), qui rendait résolutoire la condition suspensive de la capitulation de Québec. La capitulation de Montréal et celle de Québec n'étaient que des armistices.

    Les soi-disant garanties accordées aux catholiques du Canada étant périmées, le traité de Paris contenait un autre non-sens et une autre absurdité. Sa Majesté Britannique, d'une part, consentait d'accorder aux habitants du Canada la liberté de la religion catholique, mais, d'autre part, leur imposait une restriction éguivalente à la négation de ce droit, en stipulant qu'ils pouvaient professer le culte de leur religion "en autant que le permettaient (alors) les lois de la Grande-Bretagne". Dans ce pays, la religion anglicane était la religion d'état et les catholiques étaient à cette époque considérés comme des rebelles. (Encyclopaedia Britannica, 11th ed., XXIII, 496-8).

L'ACTE DE QUÉBEC

    En 1774 le parlement de Westminster accorda aux sujets de Sa Majesté professant la religion de l'Eglise le Rome, dans la province de Québec le libre (?) exercice de la religion de l'Eglise de Rome, "sous la suprématie du roi, qui s'étend tel que déclaré et établi par un acte voté dans la première année du règne de la reine Elizabeth (14 Geo. III, c. 83, s. 5).

    La section XIV de ce statut de 1558 se lit comme suit:

     XVI.... May it please Your Highness that it may be further enacted by the Authority aforesaid, that no foreign prince, person, prelate, state or potentate spiritual or temporal, shall at any time after the last day of this session of Parliament use, enjoy or exercise any manner of power, jurisdiction, superiority, authority, preheminence or privilege spiritual or ecclesiastical, within this Realm, or within any other Your Majesty's Dominions or countries that now be, or hereafter shall be, but from thenceforth the same shall be clearly abolished out of tais Realm, and all other Your Highness' Dominions for ever; any statute, ordinance, custom, constitutions, or any other matter or canuse whatsoever to the contrary in any wise notwithstanding. (1 Elizabeth. c. 1. S. 16).


    L'Acte de Québec ne faisait que réaffirmer les dispositions du traité de Paris en leur donnant plus de précision. Quelles étaient "les lois de la Grande-Bretagne' auxquelles les catholiques du Canada devaient, aux termes du traité, se soumettre? L'Acte de Québec nous l'apprend: c'est ce statut d'Elizabeth, qui déclare "qu'aucun prince étranger, ...aucun prélat... ou potentat spirituel ou temporel ne pourra exercer une Juridiction spirituelle ou ecclésiastique dans ce royaume, dans les Dominions de Sa Majesté ou dam les pays qui le deviendront".

    Oubliant cet ancien brocard de droit normand, "donner et retenir ne vaut", l'Angleterre reprenait de la main gauche les droits qu'elle avait accordés de l'autre. Ceci était d'autant plus odieux que, même longtemps après la cession, la grande majorité de la population canadienne était catholique. Les opinions étaient partagées sur l'opportunité et l'efficacité de ce statut. La rédaction de la capitulation de Montréal, du traité de Paris et de l'Acte de Québec diffère en terminologie; la forme varie, mais le fond est identique dans chaque cas. C'est pourquoi il y a lieu de rendre hommage au génie politique de certains gouverneurs et aussi d'hommes d'état anglais éminents et clairvoyants comme North, Thurlow, Dartmouth, Wedderburn et plusieurs autres, qui ont largement contribué à faire donner aux documents constitutionnels une interprétation contraire à la lettre et à l'esprit dans lequel ils avaient été conçus, rédigés, signés ou promulgués.

LA SUPRÉMATIE SPIRITUELLE DU ROI.

    Cinq ans après la, nomination de Mgr Plessis au conseil législatif, en 1822, l'année même où les Lords catholiques romains avaient obtenu, grâce à l'éloquence entraînante de Canning, le droit de siéger et de voter à la Chambre haute, le ministère anglais présenta un bill pour révoquer la constitution de 1791 et unir les deux provinces du Canada sur les bases les plus iniques. "Ce projet de loi ... abolissait l'usage officiel de la langue française et limitait la liberté religieuse et les droits de l'Eglise catholique. Bref, cette loi paraissait dictée par l'esprit le plus rétrograde et le plus hostile." (Garneau, 4e édition, 111,242; Christie, II, 334).

    Le 23 juillet 1822, John Bright protesta, au nom des coloniaux absents, contre la méchanceté d'un projet de loi aussi inique et abominable, "the wickedness of introducing so iniquitous and abominable a measure" (Westminster Hansard p. 1703). Mgr Plessis employait un langage aussi énergique pour dénoncer "cette attaque concertée avec une habileté machiavélique par les ennemis ordinaires du Bas-Canada".

    Le 4 janvier 1823, il écrivait à Papineau, qui avait porté à Londres les requêtes des protestations de la Chambre d'Assemblée, du Conseil Législatif et de 60,000 citoyens: "On ne saurait donner trop d'éloges à votre dévouement pour votre patrie." Ces efforts réunis eurent un plein succès et le bill fut retiré.

    L'abbé Maguire, qui avait été six ans vicaire à la cathédrale de Québec pendant que Mgr Plessis en était le curé (1799-1805) et qui devint grand-vicaire de l'archevêque de Québec (1850-1854), écrivait, à Paris, en 1830:

    Le terme de cruelle persécution, que nous employons ici, pourra paraître sévère; cependant ce language est pleinement justifie par des faits constants et publics, qui attestent que, pendant nus de cinquante ans, on a essayé à nous arracher du centre de l'unité catholique, en voulant, contre la foi des traités, donner à notre Eglîse du Canada un chef étranger à notre croyance et à nos doctrines.

    La conduite sévère et l'attitude menaçante de l'exécutif, accompagnées l'une et l'autre d'actes de persécution, ...avaient forcé nos évêques à passer par dessus les règles ordinaires, et à chercher l'approbation et la bienveillance de nos chefs politiques par des sacrifices jugés nécessaires jour sauver la religion. (Recueil de Notes diverses sur le gouvernement d'une paroisse, par un ancien curé du diocèse de Québec, Paris, Imprimerie de Decourchant, 1830, pp. 214-216). (2)

    Les préambules de l'ordonnance de 1791 concernant la construction ou la réparation des édifices religieux et de celle du 23 mars 1839, qui sont la base du droit paroissial statutaire de la province de Québec, démontrent que nos ancêtres ne cessaient de lutter pour la reconnaissance officielle de la liberté du clergé, lui payant ainsi et d'une manière admirable leur dette de gratitude. Il suffit, pou s'en convaincre, de lire les premiers mots de l'ordonnance de 1791: Et paraissant être nécessaire pour la tranquillité des sujets de Sa Majesté dans cette province", et ceux de la seconde: "Peur le repos et le bonheur des sujets catholiques de sa Majesté en cette province".

STATUTS DE WESTMINSTER SUR LES RÉSERVES DE CLERGÉ
(1774-1840)

    Pendant les quatre-vingt-huit ans qui se sont écoulés entre 1763 et 1851, la liberté des cultes n'avait été que tolérée. Elle n'avait existé qu'à l'état de problème, problème souvent épineux pour la Grande-Bretagne et toujours angoissant pour les canadiens dont les "dénominations religieuses" n'étaient pas la religion anglicane, et surtout pour les catholiques.

    L'Acte de Québec, qui soumettait les catholiques du Canada à la suprématie spirituelle du roi, décrétait aussi que Sa Majesté aurait la faculté de pourvoir à l'encouragement de la religion protestante, "for the encouragement of the Protestant Religion." (14 Geo. III, c. 83, s. 6).

    L'acte constitutionnel de 1711 allait plus loin en déclarant que Sa Majesté pouvait autoriser le gouverneur, de l'avis du conseil exécutif, à ériger des cure de l'église d'Angleterre et à les doter de "réserves" de terres, sous réserve de la juridiction déjà accordée à l'évêque anglican de la Nouvelle-Ecosse (31 Geo. III, c. 31, ss. 38, 39 et 40).

    L'établissement des réserves du clergé ou "rectoreries" (3) par Sir John Colborne souleva des tempêtes de protestations et donna lieu à des difficultés sans nombre. Même un quart de siècle plus tard, un journal de Toronto employait, pour qualifier cet acte d'un gouverneur, des expressions guère parlementaires:

    The infamous fraud committed at their creation demanded far less consideration than this Bill extends to the criminal agents of this dark plot, against the liberty and peace of our population. Had full justice been meeted out to the traitors, every one of the Rectors would long ago have been summarily ejected, and the titled criminal in the transaction would hare been impeached for belieing his Sovereign and prostituting his high office for the most atrocious party purposes. (Toronto Examiner, June 25, _851).

    A la suite d'un statut de 1817, qui permet la vente partielle et limitée des rectoreries (7 et 8 Geo. 1V, c 62), le parlement de Westminster cherche à apaiser les esprits en décidant que le produit de ces ventes sera distribué (mais inégalement) aux Eglises d'Angleterre, d'Ecosse ou à tous autres corps religieux ou groupes de chrétiens (Denominations of Christians), soumis à l'autorité spirituelle de la Couronne, (and to uhich the Faith of the Crown is, pledged), Ce statut (3 et 4 Vict., c. 78) porte la date du 7 août 1840, date importante, à partir de laquelle la religion anglicane cesse d'être la religion d'état en Canada.

    L'Acte de Québec de 1774, l'acte constitutionnel de 1791, l'acte de 1827 et celui de 1840 n'avaient pas répondu à l'attente de Westminster. En 1851 la question des réserves du clergé était loin d'être réglée. Elle demeurait brûlante et elle s'envenimait toujours, à tel point que le 5 avril 1851 Lord Grey écrivait à Lord Elgin que la session était trop avancée pour présenter le projet de loi des réserves du clergé à la Chambre des Communes, mais qu'il serait prêt à le faire lui-même à la Chambre des Lords. Et il ajoute:

    Il est malheureusement trop probable que si le projet de loi est soumis à la chambre des lords sans avoir été auparavant voté par la forte majorité sur laquelle nous croyons pouvoir compter aux communes, il court le risque de ne pas être adopté; mais, malgré ce danger, il me semble qu'il y aurait ainsi moins de mécontentement au Canada que si nous attendions à la fin de la session pour proposer ce bill à la Chambre des Communes. (Lettre confidentielle de Lord Grey à Lord Elgin, 5 avril 1851).

    En résumé, et de l'aveu du ministre des colonies, le gouvernement anglais se déclarait impuissant à régler cette question si épineuse.

LE BILL MORRISON

    M. J. C. Morrison était député de York. En 1850, il s'était fait le parrain d'un projet de ici pour l'abolition des réserves du clergé, mais il l'avait retiré.

    L'année suivante, le 5 juin, il revient à la charge en proposant le rappel pur et simple des sections (4) de l'acte constitutionnel de 1791 concernant les réserves du clergé. Ce projet de loi est lu peur la première fois.

    Les amendements aux motions pour discuter les subsides pleuvent; les requêtes pour ou contre l'abolition des réserves du clergé s'accumulent sur la table du greffier de la chambre.

DÉMISSION DE BALDWIN

    C'était la dernière session du ministre LaFontaine-Baldwin. Parce que la majorité de la députation du Haut-Canada n'avait pas partagé ses vues sur l'abolition de la cour de chancellerie, le 27 juin, Robert Baldwin, dont l'état de santé laissait à désirer, démissionne comme membre de l'exécutif. Le 30 juin, il fait part à l'assemblée de sa démission dans un discours émouvant qu'il termine ainsi:

Je dois exprimer ma plus profonde gratitude à ces qui m'ont appuyé en cette chambre. Je conserve au plus profond de mon coeur le souvenir impérissable de l'appui constant que j'ai reçu de mes amis du Bas-Canada. (Toronto Examiner, 2 juillet; 1851).

    Il cessait donc d'être membre du cabinet, mais il conservait son siège de député, et, chose très curieuse, il continua quand même d'agir comme procureur général du Haut-Canada jusqu'au 27 octobre suivant.

LAFONTAINE SEUL PREMIER MINISTRE

    La démission de celui qui avait été son compagnon loyal et dévoué dans ses longues luttes parlementaires, de son ami de toujours, affecta beaucoup LaFontaine. Il décida de se retirer lui-même à brève échéance de la politique. (Toronto Examiner, 16 juillet 1851).

    A partir du 27 juin, 1851, date de la démission de Baldwin comme membre de l'exécutif, jusqu'au 27 octobre de la même année, date à laquelle il se retira de la politique, LaFontaine dut assume seul les responsabilités qui incombent au premier ministre du Canada, et ces responsabilités étaient d'autant plus lourdes qu'il était en même temps procureur général du Bas-Canada.

    Il était le père du gouvernement responsable, il avait su faire respecter les droits de la langue française, mais il n'avait pas terminé son oeuvre: avant de dire adieu à la politique, il tenait à couronner sa carrière d'homme d'état en faisant reconnaître d'une manière formelle et sans restriction, la liberté des cultes au Canada. Tout en se tenait le pus souvent dans l'ombre, il fit preuve d'une souveraine habileté pour atteindre son but au milieu d'innombrables difficultés.

ASSEMBLÉES PUBLIQUES ET ÉMEUTES

    Le 8 juillet 1851, une assemblée convoquée par l'Anti-clergy Reserve Association de Toronto et à laquelle assistait George Brown, est dispersée par une foule dirigée par des ministres épiscopaliens et par des échevins. (Toronto Examiner, 9 Juillet 1851).

    Le 23 juillet, veille de la seconde lecture du projet de loi Morrison, cette association tente vainement de tenir une autre assemblée qui a le même sort que la première. L'agitation était à son comble. Les minifestants voulaient à tout prix terroriser le parlement. Les titres du récit de l'assemblée en témoignent:

    Another Episcopal State Church riot! - Members of parliament urging the mob to violate the law. - Aldermen, church-wardens and officers of Church Unions leading a drunken and infuriated mob to break the peace!! Our most venerable and respectable citizens, their wives and daughters, exposed to the violence of the lawless agents of the High Church Party, and under the sanction of the civic authorities!!! The riot Act read!! Military Called out!! The street left uncleared!! Not a single arrest made!!! (Toronto Examiner, 30 juillet 1851).

DEUXIÈME LECTURE

    Le lendemain, 24 Juillet, le bruit de la veille s'étant apaisé, la discussion du projet de loi en deuxième lecture se fait sur un ton très calme et très digne. Sept députés prennent part au débat.

    M. Morrison parle d'abord du mécontentement universel causé dans tout le pays par l'acte de Sir John Colborne. Les officiers en loi de Ia couronne, (5) dit-il, sont d'avis que l'octroi des réserves au clergé est illégal. M. Cameron, de Cornwall, lui répond qu'il et opposé à l'abolition des réserves actuellement concédées, mais qu'il n'aurait aucune objection à ce qu'il n'en fût plus établi de nouvelles à l'avenir. Sir Francis Hinks, alors député d'Oxford et ministre des Finances, conséquemment collègue le LaFontaine dans le cabinet, exprime ainsi les vues de son chef: "Le Procureur Général de l'Est (LaFontaine) éprouvait une profonde répugnance à ce que cette question fût soulevée. Il croyait que le gouvernement pouvait soumettre un projet de loi qui aurait satisfait tout le monde.

    Un tel projet de loi devrait énoncer le principe de l'égalité religieuse absolue pour toutes les dénominations religieuses; rappeler les clauses de l'acte autorisant la création des rectoreries, et pourvoir à la nomination des titulaires aux rectoreries existantes, au cas où elles auraient été légalement établies." M. Wilson, de London, suggéra que la nomination des titulaires appartint à la société de l'Église d'Angleterre. Y. Boulton, de Toronto, se prononça contre ce projet de loi.

    "Pour ma part, dit LaFontaine, je désire que chacun ait le droit d'adorer Dieu à sa manière (in his own way) et que le rôle de l'état soit d'intervenir pour faire respecter ce droit, si la chose est nécessaire, mais sans distinction ni préférence" (and the State should interfere to aid them where aid was necessary - not to give one in advantage ocer the other). (Compte rendu du British Colonist de Toronto, 25 juillet 1851).

    "Autrefois, l'Église d'Angleterre a prétendu avoir une supériorité à laquelle elle est disposée à renoncer et elle a raison parce que cette prétention ne peut être maintenue. Il est clair cependant que la nomination des titulaires doit être transférée à cette église". (Id.)

    "L'Eglise d'Angleterre ne doit pas être placée dans une position d'infériorité. Qu'elle administre elle-même ses propres affaires; si elle veut l'établissement des rectoreries, libre à elle d'agir ainsi." (Compte rendu du Toronto Examiner, 30 juillet 1851.)

    Baldwin déclare qu'il est évident que le gouvernement du pays ne peut exercer le droit de nommer des titulaires aux rectoreries, vu qu'il appartient logiquement à l'Eglise d'Angleterre.

    Le projet de loi est adopté en seconde lecture et renvoyé à un comité spécial composé des honorables MM. Baldwin et Cameron, de M. Morrison, parrain du bill, et de MM Wilson et Notman, de Middlesex, pour en faire rapport avec toute la diligence convenable. (Journaux de l'Assemblée Législative de la Province du Canada, session de 1851, pp. 191-192).

LE BILL EST AMENDÉ

    Le texte originaire du projet de loi Morrison a été public dans le Toronto Examiner du 25 juin 1851. Il était très court et il ne contenait que le rappel de trois sections de l'acte constitutionnel.

    Le 29 juillet, M. Morrison fait rapport que le comité avait passé le projet de loi et y avait fait un amendement. Le tout est renvoyé au comité plénier de la chambre. (Journaux de l'Assemblée Législative, p. 204).

    Cet amendement était si considérable et il modifiait à ce point la portée du projet de loi que dès le lendemain, l'un des membres du comité, M. Notman essaya d'introduire un nouveau projet de loi exactement au même effet que le texte originaire. Cette proposition fut défaite par trente-cinq voix, 43 contre 8. LaFontaine avait cru plus prudent de s'abstenir de voter, malgré que son vote eût été enregistré à plusieurs reprises le même jour sur d'autres mesures. (Journaux de l'Assemblée Législative, p. 207).

LES AMENDEMENTS AU BILL

    Le comité spécial avait amendé le projet de loi en tenait compte des suggestions offertes par les députés sur la deuxième lecture. I1 n'avait pas d'effet rétroactif; l'établissement des réserves du clergé n'était aboli qu'à l'avenir et la nomination des titulaires était transférée de l'exécutif à la société de l'Eglise d'Angleterre. Comme LaFontaine l'avait si bien dit, elle devenait libre d'administrer elle-même ses propres affaires sans dépendre du gouvernement.

    La question des réserves du clergé était pratiquement réglée. Ce que le parlement de Westminster n'avait pu faire pendant de longues années, les hommes d'état canadiens de l'époque ont le rare mérite de l'avoir accompli.

LA LIBERTÉ DES CULTES

    Les dispositions du traité de Paris et de l'acte de Québec en matière de droits religieux étant contradictoires, LaFontaine constatait parfaitement jusqu'à quel point les garanties qu'ils contenaient étaient illusoires. Il était fermement convaincu que la reconnaissance officielle de la liberté des cultes s'imposait comme mesure d'importance vitale et d'intérêt national. Sa longue expérience parlementaire lui avait appris que

    "l'admission de l'égalité, aux yeux de la loi, de toutes les dénominations religieuses est un principe reconnu de la législation coloniale; et que dans l'état et la condition de cette province à laquelle il est particulièrement applicable, il est à désirer que ce principe reçoive la sanction, directe de l'assemblée législative, qui reconnaisse et déclare qu'il est le principe fondamental de notre politique civile." (Préambule de statut de 1851, 14 et 15 Vict., c. 175, s. 1).

    De l'aveu de son collègue Sir Francis Hincks, le projet de loi qu'il avait en vue devait énoncer le principe de l'égalité religieuse absolue pour toutes les dénominations religieuses. Il s'était lui-même empressé d'ajouter "qu'il désirait que chacun eût le droit d'adorer Dieu à sa manière et que le rôle de l'état fût d'intervenir pour faire respecter ce droit, si la chose était nécessaire, mais sens distinction ni préférence".

Lisons maintenant la suite de la 1ère section de ce statut intitulé "acte concernant les rectoreries":

    ...et il est par le présent déclaré et statué par l'autorité susdite, que le libre exercice et la jouissance de la profession et du culte religieux, sans distinction ni préférence, mais de manière à ne pas servir d'excuse à des actes d'une licence outrée, ni de justification de pratiques incompatibles avec la paix et la sûreté de la province, sont permis par la constitution et les lois de cette 1 province à lois les sujets de Sa Majesté en icelle. (14 et 15 Vict., (1851), c. 175, S. 1).

    Ce texte de loi n'est-il pas une éloquente paraphrase des remarquables déclarations faites quelques jours auparavant par ce grand Canadien? Et cet autre patriote, dont le nom est associé à celui de LaFontaine, son compagnon d'armes Baldwin n'avait-il pas rendu un nouveau service à son pays en faisant accepter un amendement d'une telle importance par le comité spécial dont il était membre? LaFontaine et Baldwin avaient choisi l'occasion propice. Cet amendement venait à son heure. C'est pourquoi il passa inaperçu, pendant; qu'une poigne d'irréductibles s'évertuait à discuter les autres clauses du bill.

TROISIÈME LECTURE

    Au cours du mois d'août, dans le débat de Simcoe, la question de l'alliance de l'Eglise et de l'Etat et celle des réserves du clergé avaient été discutées longuement et sans parti pris. (Toronto Examiner, 6 et 10 août 1851). La raison l'emportait finalement sur les préjugés.

    Le 29 août 1851, veille de la prorogation, le projet de loi est adopté en comité plénier sans être de nouveau amendé. (Journaux de l'Assemblée Législative, p. 352).

    La troisième lecture est proposée et secondée par deux membres du comité spécial qui avait amendé le projet de loi, MM. Wilson et Cameron. Trois amendements dilatoires sont proposés. M. Morrison, qui ne reconnaît plus son filleul, les appuie. Tous trois sont défaits par 17 voix, 20 à 3. Le projet de loi est adopté en troisième lecture. (Id., p. 355).

    Le lendemain, dernier jour de la session, le conseil législatif adopte le projet de loi sans amendement.

    Même jour: l'hon. M. Hincks propose, secondé par M. Wilson, que cette Chambre demande que, pour donne effet au dit projet de loi, il plaise à Son Excellence le Gouverneur de le faire transmettre sans délai en Angleterre, pour qu'il soit soumis au Parlement Impérial, avant d'être sanctionné par Sa Majesté, conformément aux dispositions de la 42e section de l'Acte d'Union; la Chambre s'est divisée: et le vote est enregistré comme suit:

POUR

    MM. Armstrong, Bell, Cameron, de Cornwall, Chauveau, Dixon, le Solliciteur-Général Drummond, Duchesnay, Fergusson, Portier, Fournier, Hincks, Laurin, Letellier, Lyon, Macdonald, de Kingston, Sir Allan N. MacNab, McConnell, Merritt, Meyers, Polette, Price, Robinson, Ross, Sauvageau, Sherwood, de Toronto, Stevenson, Taché est Wilson - (28).

CONTRE

    MM. Mackenzie, Notman et Smith, de Durham - (3). (Idem, pp. 357358).

    Le parlement canadien donnait un bel exemple de fair play britannique.

ASSENTIMENT ROYAL.

    Le projet de loi fut immédiatement présenté à Lord Elgin. La reine Victoria lui donna son assentiment le 15 mai 1852. (Proclamation de Lord Elgin, contresignée par A. N. Morin, secrétaire provincial, 8 juin 1852, et publié dans la Gazette du Canada, 9 (19) juin 1852, p. 12811). Le projet de loi devenait LA LOI. - On avait cherché à nous enlever notre liberté religieuse en invoquant un statut d'Elizabeth; soixante-dix-huit ans après, l'acte de Québec, une grande reine d'Angleterre nous la rend.

    Chaque catholique du Canada ne pourrait-t pas répéter en faisans sien le fier langage de Canning sur le bill pour permettre aux lords Catholiques de siéger et de voter à la Chambre des Lords:

    By refusing to accede to the measure which he had introduced, the House would maintain a system of exclusion which, when it was necessary, was harsh, but had now become inhuman. He called upon them to redeem themselves from the imputation of adapting their own conduct to that uncharitable and unfeeling principle which they ascribe to the Catholic community, and to concede a gift which, if given with grace, would be received with gratitude, and tend to cement In one bond of union the people of the Catholic creed with she professors of the protestant religion. (Westminster Hansard, 1812. P. 518).

    Nous retrouvons cette loi dans les statuts refondus du Canada de 1859, titre VII, matières religieuses, c. 74, (avec la note marginale suivante et qui parle par elle-même: "LIBERTÉ DES CULTES GARANTIE PAR LA LOI"), dans le statuts refondus de la province le Québec, 1935, c. 198, ainsi que dans les statuts refondus de la province d'Ontario, 1877, c. 214, et 1887, c. 235.

    Ce ne sont ni les capitulations de Québec et de Montréal, ni le traité de Paris, ni l'acte de Québec, - comme on l'a enseigné -, mais, par un hasard vraiment providentiel, c'est une partie de ce statut intitulé "Acte concernant les rectoreries" qui constitue la grande marte de la liberté religieuse au Canada.

    Ceux qui douteront des difficultés que LaFontaine eut à surmonter, tout en se tenant à l'écart, n'auront qu'à parcourir les journaux du temps et ceux de l'assemblée législative de la province du Canada, session de 1851, aux pages 56, 191, :92, 344, 352, 355 et 357.

    En terminant, qu'il me soit permis de remercier publiquement tous ceux qui m'ont aidé et qui m'aident encore dans mes modestes travaux, en particulier MM. Burrell et Desrochers, bibliothécaires du parlement, et tout leur dévoué personnel. Ils ont ouvert tontes grandes les portes de leur bibliothèque, qui contient de véritables trésors, et m'ont permis d'y consulter des ouvrages précieux. Ces témoins irrécusables du passé m'ont qu'il dédaignait la réclame. Sa conception de la politique et des devoirs des gouvernements état très haute et très noble. Il a généreusement donné à sa patrie les plus belles années de se vie et il lui a consacré son génie politique avec un admirable désintéressement et un dévouement inlassable. Sa récompense, ce patriote l'a trouvée dans la satisfaction du devoir accompli.

    A-t-il jamais compris toute l'importance des services signalés qu'il avait rendus à ses compatriotes? N'aurait-il pas été l'homme le plus surpris du monde si son ami de coeur Robert Baldwin lui avait dit le 30 aout 1851: "Mon cher LaFontaine, le peuple canadien n'oubliera jamais ce que vous venez le faire pour lui, et, dans la capitale de ce beau pays que vous aimez tant, en 1934, on répétera que le texte de loi qui garantit la liberté des cultes au Canada est votre oeuvre."

1. Le résumé ci-joint de cette conférence a paru dans l'agenda du Congrès de Droit international de Rome, à l'occasion du septième centenaire des Décrétales de Grégoire IX et du quatorzième centenaire du Code Justinien, 12-17 novembre 1934.

A la dernière minute, M. Pouliot a été empêché de prendre part à ce Congrès. Libertas cultus in Republica Canadensi - I. F. Pouliot - Ottawa.

A capta possessione Canadensis colonise per I. Cartier catholicismus fuit religio status. Deinde variae habentur vicissitudines.

(1) A Pactis Quebecensibus (1759) ad Tractatum Lutetiae Parisiorum (1763) libertas coarctatur, quamvis non aperte.

(2) Tractatu Parisioruin libertas nomine tantum recognoscitur: varus restrictionibus ab a. 1763 ad 1851 toleratur

(3) Post varia catholicorum tentamina et motiones a. 1852 libertas plene restituitur, Victoria Regina, opera praesertim administri La Fontaine.

(SCHEMATA RELATIONUM, f. 93 - Congressus Iuridicus Internationalis, VII Saec. a Decretalibus Gregorii IX et XIV a Codice Iustiniano Promulgatis, 12-17 Novembris 1934 - ROMAE, Apud Pontificium Institutum Utriusque Iurie, Piazza S. Apollinare, 49).

2. Des extraits de ces Notes diverses ont été reproduits dans les Ordonnance Synodales publiées par Mgr Baillargeon en 1859. - Mgr Bourget, contemporain de l'abbé Maguire, écrivait à son clergé en septembre 1846: "Cet excellent ouvrage doit trouver place dans chaque bibliothèque de curé et vicaire."

3. Francisation littérale et statuaire du mot RECTORY, ainsi défini: "A parish church, parsonage or spiritual living, with all its rights, tithes and grebes". Le mot rectorat n'a pas cette acception.

4. Le mot SECTION signifie division de la loi. Dans le langage statuaire, il est employé dans les textes anglais et français.

5. Nous traduisons littéralement le language parlemenatire de l'époque.